Islam

From Dacca to Paname

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Temps de lecture 5 minutes


I’m… forty… something ! Nous dit d’emblée Islam avec un grand sourire. Il nous donne sa date de naissance et calcule à haute voix. Oui, c’est bien ça, il aura quarante et un ans cette année. But I’m not in the mood to celebrate, nous dit-il en baissant la tête. Le sourire de façade de notre nouvel ami s’est bien vite éteint. En plus de sa situation ultra précaire et de la pluie qui tombe, il pense de manière presque obsessionnelle à son état de santé qui se dégrade et à la mort qui, selon lui, le guette. I’m handicap since a long time, I had operation and treatment for liver… nous apprend le quadragénaire bangladais.

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L’herbe est toujours plus verte de l’autre côté de la frontière

En effet, il ne s'imaginait pas vivre dans cette situation en arrivant en France il y a trois ans. L’hexagone, c’est déjà sa deuxième terre d’accueil, la deuxième fois qu’il a dû quitter une patrie pour survivre. In Bangladesh it is a very bad economical situation, plus I had a little familial problem… I wanted to go overseas to have a better life. Raté. Assis sur un bidon d’huile dans une rue très passante du XVème arrondissement de la capitale, Islam nous raconte son périple. Premier stop pour lui, l’Afrique du Sud. I took the plane from Bangladesh to Dubai, from Dubai to Tanzania and from Tanzania to Mozambique in a local plane. Là-bas, ils le mettent en prison, lui prennent tout son argent et ses papiers et finissent par le relâcher. Notre homme termine à pied et de nuit, une traversée de neuf heures pour passer la frontière. Une fois installé à Cape Town, il parvient à trouver du travail et fait venir sa femme et sa fille du Bangladesh. La petite famille passe douze ans sur place. 

Débrouillard, il parvient à faire son trou. There, I had a small café, and a small supermarket that my wife owned, se souvient l’homme avec nostalgie. Mais des mafieux locaux font régner leur loi et un jour, menacent Islam et sa famille. Après deux mois cloîtrés chez eux, Ie père de famille obtient des visas pour la France. Ils s’enfuient tous les trois. I applied for a visa in London, in Canada, Australia and France... dit-il, un peu dégoûté. 

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La France, une terre d’asile parfois hostile

I struggle with this government, I have no Medical insurance ! Selon lui, il coûte trop cher à cause de son état de santé, mais aussi de ses addictions, I’m an addict person, I take a lot of medication. Le gouvernement ne répond pas à ses demandes et ne veut pas lui accorder la CMU (Couverture Médical Universel). Plus grave encore, ses demandes pour obtenir la nationalité pour sa fille n’aboutissent pas. Quand il parle d’elle, ses yeux s’illuminent. She just turned nineteen. She’s a very brilliant student, the top of the students of the lycée ! She wants to study economics. Mais sans les papiers, Islam ne sait pas si elle pourra s’inscrire à la fac. Government throw us in a deadpoint. They say to us : “go die ! We don’t know about you”. 

S’il est en colère contre le gouvernement, tout n’est pas à jeter ici. Il est reconnaissant du travail des assistantes sociales, de l’hôtel social qui les accueille lui et sa famille, et aussi des habitants du quartier qui ne cessent de nous interrompre pour échanger quelques mots avec lui et lui donner quelques pièces ou de la nourriture. Ici, il est chez lui, du moins en apparence… I take French lessons here, dit-il en nous montrant une enseigne à quelques pas. People help me big time here. Mais souvent la réalité le rattrape et il doit aller faire la manche plus loin. I got beaten up once. I nearly died this time. But I come back here, because I know some people are helping me.

Just a drop of human rights, man !

Encore une fois, il nous parle de la mort. I feel like I’m going to die soon, I’m very sick… Résigné mais combatif, il se dit prêt à aller jusqu’à la Cour Européenne pour défendre ses droits. Il nous martèle une phrase qui ressemble à un titre d’une chanson de Bob Marley, “Just a drop of human rights man !”. Il sait qu’il est loin d’être le seul dans cette situation. Soudain, il semble retrouver son sourire et son optimisme. Il nous reparle de sa fille et plus généralement, de la jeunesse. C’est pour les générations futures qu’il veut se battre. Pas pour lui. Future generation must believe this world is good. Do something for the next generation! Not for us, we will be dead.

En partant, nous promettons de revenir le voir. Avec son beau sourire, il nous lâche, When you have time, don’t worry about me...

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